PRESCRIPTION : 2224 ou 2225 DU CODE CIVIL

07/02/2024
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La prescription de l’action en responsabilité professionnelle à l’endroit de l’avocat est régie par deux textes, selon la nature de sa mission :

  • La pure activité de conseil, notamment en matière de rédaction d’actes, est soumise à la prescription de l’article 2224 du Code civil :
    • Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
  • L’activité d’assistance ou de représentation devant les juridictions ressort de la prescription de l’article 2225 du Code Civil :
    • L'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.

Certes, dans les 2 cas, le délai est de cinq années, mais il n’échappe à personne que le point de départ est éminemment différent et que, dans le premier cas, ce délai peut « jouer les prolongations ».

S’il paraît facile de distinguer les 2 types de missions, qu’en est-il de la phase nécessaire du conseil préalable à l’introduction de l’action en justice ?

C’est la question qui s’est trouvée posée dans les suites d’un divorce sur requête conjointe, soumis à l’ancienne procédure de l’homologation judiciaire.

L’avocat avait omis d’avertir le client que la prestation compensatoire fixée en capital ne pouvait être révisée, à la différence de celle servie sous forme de rente.

L’action en responsabilité, introduite 7 années après la transcription du jugement de divorce, a été déclarée prescrite en application de l’article 2225 du Code Civil, s’agissant, selon la Cour d’Appel, d’une mission d’assistance en justice.

Le client a formé un pourvoi en cassation, articulant que « l’avocat est toujours tenu à une obligation d’information et de conseil juridique indépendante ou préalable à une éventuelle mission judiciaire » de sorte que cette mission de consultation précédant la phase judiciaire devrait conduire à l’application de l’article 2224 du Code Civil.

Ainsi, le délai de cinq années ne commencerait à courir que « du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits » lui permettant d’exercer l’action en responsabilité.

Par son arrêt du 15 Novembre 2023 (Cass.civ.15-11-2023, N°22-17.898, F-D, rejet), la première chambre civile de la Cour de Cassation fait litière de l’argument, au visa de l’article 2225 du Code Civil :« Après avoir énoncé, à bon droit, que la mission confiée à l’avocat consistait en une mission d’assistance en justice lors de la procédure de divorce, la Cour d’Appel en a exactement déduit que l’action, engagée plus de cinq ans après la date de transcription du jugement de divorce sur les actes d’état civil, était prescrite. »

Ce faisant, la Cour Régulatrice se refuse à toute dichotomie dans la qualification de la mission de l’avocat qui est donc, soit de conseil au sens de consultation et/ou de rédaction d’actes, soit d’assistance ou de représentation en justice.

La solution[1], certes décevante, voire sévère, pour le justiciable qui découvre une situation préjudiciable au-delà de 5 années, est résolument logique en l’état des textes.

Certes, l’avocat, en amont de l’introduction d’une procédure judiciaire, est tenu d’une obligation préalable de conseil quant à la pertinence et l’opportunité de l’action en justice, mais celle-ci est alors indivisible de sa mission de représentation et d’assistance.

Qu’en sera-t-il, en revanche, quand la consultation préalable à un procès ne sera suivie, à raison d’un avis négatif ou de la renonciation du client, d’aucune action en justice ? Il est permis de penser que l’article 224 du Code civil trouvera à s’appliquer.

 

 


 


[1] La solution, de portée générale pour toute action judiciaire, n’est pas transposable au nouveau divorce par consentement mutuel qui ne donne plus lieu à homologation judiciaire et s’inscrit donc dans une pure missions de conseil et de rédacteur d’actes, soumis au point de départ de la prescription prévue à l’article 2224 du Code Civil.